lundi 20 février 2017

CONSOLATION


Je rouvre ce blog après une longue absence, de manière symbolique, sur le thème de la perte. La consolation était un genre très prisé des Latins. Et l'on sait le parti que la philosophie stoïcienne, Sénèque et Boèce en ont tiré. Je raisonnerai aujourd'hui sur deux consolations, l'une ancienne, l'autre contemporaine. En 1797, Sénac de Meilhan écrivait, dans son roman, l'Emigré, une "Consolation philosophique sur la perte de sa bibliothèque". Et je vois, en 2016, sous la plume de Jean-Michel Delacomptée, une Lettre de consolation à un ami écrivain (Robert Laffon).
C'est une étrange lettre que celle du Président de Longueil chez Sénac : la consolation y est presque par antiphrase, puisqu'il ne regrette rien. "Je n'aurais guères profité de mes livres si je ne savais pas les perdre". Et ailleurs : "Les bibliothèques qui contiennent par delà une certaine quantité de livres, peuvent être comparées aux dictionnaires qu'on ne lit pas". La fin de la lettre va même plus loin, dans la pensée et le style de Qohéleth : "Que conclure de ce je viens de vous dire, sinon que rien n'est durable dans le monde, et que les pensées et l'estime des hommes sont comme les flots de la mer qui se succèdent et disparaissent". 
Alors, faut-il regretter de ne point être publié ? ou d'être publié et passé sous un mortel silence? La consolation de 2016 paraît prendre le parti opposé. Elle enseigne en effet, de "ne pas renoncer malgré les obstacles, les impostures, les déconvenues que doit affronter quiconque cherche toujours, avec obstination, à écrire authentiquement". Belle leçon, malgré la présence, au premier rang du palmarès des ventes, d'un roman inepte, dit "feel good", qui va atteindre les cinq cent mille lecteurs (-trices). J'ai comme fait mienne cette leçon en proposant mon roman Veturia à quatre éditeurs et essuyant quatre refus. Les propos du dernier en date m'ont semblé significatifs : "Le thème de ce roman est assez éloigné de ce que nous entendons publier, et l'écriture, fort érudite au demeurant, maintient à distance les lecteurs que nous sommes, avec ses nombreuses citations latines et autres références". Je n'ai pas renoncé et l'ai publié chez un éditeur "intermédiaire" entre le compte d'auteur et l'édition traditionnelle. 

Ainsi me suis-je consolé.