Les librairies disparaissent : Boulinier, Gibert Jeune, les PUF, Le Pont Traversé, Picart, Librairie Mazarine, et combien d'autres, à Paris et en province, Broglie à Strasbourg, Chapitre Privat et Castéla à Toulouse... L'endroit où on lit remplacé par l'endroit où l'on mange : un sinistre signe des temps. Le livre disparaît, devient virtuel, fictif, e-book. La lecture disparaît, remplacée par l'image, le jeu électronique, la télévision. Ce fléau s'étend, mais était depuis longtemps prévisible et décrit. Deux des utopies les plus sombres de la fin du dix-neuvième siècle le signalaient déjà en termes identiques. En 1889, Jehan Soudan écrit dans "Prophéties électriques" : "Vous n'aurez pas la peine de lire. C'était bon de votre temps! Nous avons changé cela. Deux petits instruments, combinés, l'ophtalmolographe et le mnémotype vous transcriront en cinq minutes dans le cerveau, par les yeux, le contenu de tous les livres, à votre choix" (Histoires américaines). En 1898, Paul Adam dit à son tour : "Ce peuple-ci n'a plus à prendre la peine de lire. On enferme dans une sorte de piano mécanique, des albums échancrés de trous divers qui s'emboîtent sur les pointes d'engrenage de grosseur correspondant à la capacité et au dessin du trou. Plus forte que la voix normale, une voix [...] déclame une chronique ou un conte" (Lettres de Malaisie). Un monde sans livres se profile. Des bibliothèques vides!
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