En ce temps où congé est pris des textes et de la littérature, et où l'Université n'a plus rien à se mettre sous la dent; où, quand elle parle littérature, c'est de "littérature des bifurs", de "frontières racialisées" et de "stratégie de passage", on se prendrait à désespérer. Mais, le ciel soit loué! il y a le genre, pardon! le Gender, mille pardons! le "genre genré". Et il y a les migrants. Quelle aubaine! Pour faire bonne mesure, marions-les. Et cela donne : "Ecritures migrantes du genre". Le sens est incertain, mais cela paraît chez un éditeur de bon renom, aujourd'hui surtout préoccupé de suivre servilement les modes passagères. J'avoue ne pas savoir ce qu'est une écriture migrante, qui suit "les entames infinies des différences sexuelles", parce qu'il y va "de l'être lettré du vivant". Les maîtres-mots ici sont "déconstruire" et même "dénaître". On le comprend. Et il faut le faire "par croisées comparatives". On imagine le désarroi des fondateurs de ce que l'on appelait autrefois la littérature comparée, à entendre parler de "migrance", "exulances"; "co-vivances". Curieux retour, soit dit en passant, de cette finale en -ance, qui retenait jadis l'auteur d'un "Petit Glossaire". Il est vrai que l'on parle aujourd'hui "les langues du dépanneur" (?). Mais il y a heureusement, pour se consoler, les séries américaines, avec lesquelles le genre fait bon ménage. N'est-il pas question, dans un séminaire parisien, des "approches genrées des genres filmiques et télévisuels", où l'on apprend que "les représentations genrées battent en brèche les codes de genre"? Les genres, en veux-tu, en voilà. Et l'on dit aujourd'hui "Habemus gender", comme on disait "Habemus papam". C'est tout dire.