Je reprends la parole après un long silence, afin de célébrer deux sages que rien, ni la géographie, ni les points cardinaux, ni l'époque, ni l'idiome ne semblaient devoir rapprocher et qui tiennent un discours étonnamment semblable. Le premier est Yuan Hong Dao (XVIe siècle) dans sa Lettre à Gu Shaofu :
"Les désirs humains n'ont jamais de terme. Le candidat à l'entrée au collège ne se voit encore que dans la robe noire du bachelier; mais une fois admis au collège, il ne veut plus en rester là. Le licencié s'estimerait heureux dans la tenue sombre du lettré. Mais une fois docteur, il ne veut plus en rester là. S'il n'a pas encore de poste, il limite son ambition à cette première étape, mais le chemin est long à parcourir, il n'en voit pas la fin! S'il a obtenu un poste, son univers devient les résidences dans lesquelles il ne fait que passer, et sa course se poursuit jusqu'à la fin de ses jours. Pourtant, même si la vie se consume à briguer des honneurs, la mort nous ravale tous au même rang. Un enfant pourrait le comprendre".
Le second est Emil Cioran (XXe siècle) dans Ebauches de vertige :
"Plus on progresse en âge, plus on court après les honneurs. Peut-être même la vanité n'est-elle jamais plus active qu'aux approches de la tombe. On s'agrippe à des riens pour ne pas s'aviser de ce qu'ils recouvrent, on trompe le néant par quelque chose de plus nul encore".
Mais ces mots peuvent-ils se heurter aux étalages auto-complaisants que l'on peut lire à longueur de temps sur les "réseaux sociaux"?
Rien n'est moins sûr.