samedi 27 octobre 2018

CECI TUERA CELA

En ces temps où il semble de bon ton de prédire, prêcher, prôner la mort de la littérature (voir "Obituaire II", 16 avril 2017), il peut être salutaire de relire (?) les Histoires désobligeantes de Léon Bloy. Désobligeantes en effet, pour toutes les modes passagères de la bienpensance dont on se fait un évangile. Ainsi, l'épigraphe de l'histoire XXVI, "Le Cabinet de lecture", qui déclare sans peur : "La littérature est indispensable". Il n'est pas jusqu'à la tyrannie de l'ordinateur et la malédiction d'Internet qui ne semblent prophétisées dans une autre histoire, XVIII, "Le Téléphone de Calypso", dans laquelle s'ouvre une "parenthèse" destinée à décrire "une lumineuse machine" en passe de "destituer la main des hommes qui n'auront plus du tout besoin d'écrire". Ainsi se trouve "célébr[ée] la gloire d'une usine anglaise qui venait d'exterminer l'Ecriture". Il s'agit en effet d'une extermination, celle de la pensée et de la culture, noyées sous un verbalisme impénitent qui multiplie à plaisir les truismes consternants sous couvert de modernité. Celle de Baudelaire était décidément plus féconde, qui parlait de "dégager de la mode ce qu'elle peut contenir de poétique dans l'historique", "tirer l'éternel du transitoire".