vendredi 29 octobre 2021

UN ECRIVAIN AU BAN DE L'OPINION

 Adolphe Belot (1829-1890), auteur décrié, auteur à succès. Ou, auteur décrié parce que auteur à succès? Se réclamant pourtant discrètement de Balzac, le Balzac de La Fille aux yeux d'or, et marchant à sa suite dans des terres défendues. Lui-même l'a confessé et en a cherché la réhabilitation : dans un "court avant-propos" en tête d'un de ses livres les moins connus, Les Fugitives de Vienne (1883). A la pensée, dit-il à son lecteur, de "connaître tous les vices étrangers", "votre tête se grise, votre imagination tressaute, et vous voyez apparaître déjà une Femme de feu cosmopolite, une Mademoiselle Giraud internationale, La Bouche de Madame X... elle-même, une bouche toute française, devient une bouche universelle". Rappel habile de trois romans, de ceux que Henry Céard nommera plus tard "Les Mauvais Livres", mais les plus grands succès d'Adolphe Belot, nommés pour être apparemment désavoués par leur auteur, avec un apparent regret devant "la faveur exagérée" dont ils ont été l'objet. Soixante mille exemplaires pour Mademoiselle Giraud, à peine moins pour Diane Bérard, la Femme de feu, et pour Madame X..., qui n'a même plus de nom, autant d'héroïnes inavouables. Mais, de son propre aveu, Adolphe Belot était capable de faire autre chose, "vingt autres livres seulement passionnels, exempts de toute sensualité". Vingt autres? Cinquante, plutôt. Mais il revient, en 1888, à Mademoiselle Giraud qui a fait sa gloire, avec Mademoiselle Louise Bauquet, sous le pseudonyme explosif de Mélinite, titre du nouveau roman, et le sujet interdit : "Pourquoi une femme n'en aimerait-elle pas une autre, d'amour?" (p. 281); "quelques livres seulement feuilletés, rejetés aussitôt : une femme pouvait aimer, d'amour, une autre femme" (p. 285). Discret rappel, indiscrète publicité pour un roman paru dix-huit ans plus tôt, en faisant le bruit que l'on sait.