mardi 20 août 2024

HYPATIE, PREMIERE FEMME SAVANTE ?

 

 


Avant les Philaminte et Bélise, de moliéresque renommée, Hypatie (350-415) ne serait-elle pas la première femme savante ? Mathématicienne, philosophe, célébratrice de la beauté hellénique face à la beauté chrétienne et prêtresse de Vénus à Alexandrie, elle déplut à Cyrille, archevêque d’Alexandrie, et s’en attira les foudres, avant d’être livrée par lui aux chrétiens qui la lapidèrent. Et pourtant, à lire le beau sonnet de Jacques Nayral à elle consacrée, « Hypatie est damnée et Cyrille est un saint ». 
Le portrait tracé « Bei den heiligen Männern » dans le roman Hypatia de Fritz Mauthner donne une idée de la détestation où elle était alors tenue : « Il y a là notamment une des pécheresses, le chef d’œuvre du Diable, telle une des Diablesses de l’ancienne croyance, dangereuse plus que nulle autre. Son nom est Hypatie, c’est là un vampire, et elle a ensorcelé un des plus hauts dignitaires de l’Empereur, et l’Eglise vacille à Alexandrie tant que vit Hypatie ! Par des paroles impudiques et l’exhibition de danseuses, par des boissons magiques et des formules diaboliques, elle soustrait tous les dimanches des jeunes gens à l’Eglise et les attire dans sa maison de luxure. Qui se sent fort en fasse l’épreuve devant cette idole ! Car elle est belle comme la mère de tous les péchés. Belle comme Eve au paradis et belle comme ces fantômes nocturnes sous lesquels Satan est apparu à Saint Antoine lorsqu’il voulut ébranler le saint homme. Hypatie est si belle !... » (trad. Jean de Palacio).
Longtemps oubliée, Hypatie fait une rentrée remarquée en littérature dans la seconde moitié du XIXème siècle. En Angleterre d’abord, avec le roman de Charles Kingsley Hypatia, or New Foes with an Old Face (1852) ; en Allemagne, avec le roman de Fritz Mauthner Hypatia. Roman aus der Altertum (1892) ; en France, au théâtre, avec les tragédies de Gabriel Trarieux (1904) et de Paul Barlatier (1907). Kingsley écrivait à George Brimley en octobre 1851 : « There are materials for a grand book. And if I fail in it, I may as well give up writing ». Souvent réticents à montrer la lapidation, les écrivains préfèrent d’autres voies, comme par exemple Barlatier qui la fait s’éprendre de son bourreau Cyrille (nommé ici Apostolos) : « Je t’aime et dès longtemps, et dès toujours ! »  et mourir en prononçant le nom de Jésus.     


 

mardi 21 mai 2024

UN NATURALISTE A TOUT CRIN : PAUL ALEXIS (1847-1901)

 Vers 1885, déjà bien installé dans la vie littéraire de son temps, Paul Alexis n'a de cesse de proclamer son allégeance au Naturalisme. Dès 1878 (Alexis a 31 ans), il projetait de fonder, avec un confrère lyonnais nommé Greppo, un journal évidemment appelé L'Assommoir,  sur l'orientation duquel il se dit "fixé" : "satyre! gauloiseries! NATURALISME !!" - ce dernier terme, emblématique, rehaussé par l'emploi des majuscules et deux points d'exclamation. Le projet n'aura pas de suite. En 1882, il offre à Zola un hommage appuyé dans son livre Emile Zola. Notes d'un ami.  En 1885, la préface qu'il rédige pour le roman Chair molle de Paul Adam, d'ailleurs sous-titré "roman naturaliste", est une sorte de manifeste pour qui tient " à savoir le fond de [s]on coeur naturaliste". Il y proteste contre les afféteries de style, "le terme bizarre, le mot extraordinaire", allant jusqu'à dire sa conviction "qu'un illettré [...] pourrait écrire un chef d'oeuvre en baragouin et en charabia". Cette préface est datée du 6 février. La même année, quelques mois plus tard, Alexis envisage d'écrire une autre préface dans une lettre récemment apparue, datée du 26 juin, et dont le destinataire demeure inconnu. "Venez quand vous voudrez avec le roman et le romancier. On verra, si ce n'est pas trop mal, d'y aller de sa préface. - Bien entendu, je ne m'engage à rien : il faut voir". Et Paul Alexis, toujours soucieux d'affirmer son obédience naturaliste, le fait ici de deux manières : par une double signature, "Paul Alexis. Pour Trubl'", reprenant déjà à Zola le fameux pseudonyme (Trublot) qu'il gardera durant toute sa carrière de journaliste ; et en forgeant, en guise de formule finale à sa lettre, un adverbe de son crû, hautement caractéristique : "Naturalistement". Il semble que ce nouveau projet soit demeuré lettre morte, aucune autre préface n'existant dans le corpus de l'écrivain. 

Douze ans plus tard, écrivant à Paul Adam, Paul Alexis n'avait pas oublié son rôle : "Votre préfacier de Chair molle aurait à son tour un urgent besoin que vous lui fissiez un article". Il s'agissait d'une réclame pouvant favoriser les ventes de son avant-dernier volume, La Comtesse. Je n'en ai pas retrouvé trace