mercredi 5 février 2020

TUER EN MUSIQUE?

J'ai naguère consacré ici même une page à la chasse, entre sottise et barbarie, encore plus près, sans doute, de celle-ci que de celle-là(Voir "Le goût de tuer", 3 mars 2016). Je reviens aujourd'hui sur ce sujet, pour m'étonner que la musique ait jamais pu se faire complice de ces pratiques. Comment l'art, censé adoucir les mœurs, a-t-il pu faire une place à ce carnage aveugle et complaisant? C'est pourtant ce à quoi on assiste, chez des artistes et non des moindres, de Clément Janequin à Carl Stamitz, sans oublier, hélas! Jean-Sébastien Bach. Que venait faire dans cette galère le Cantor de Leipzig? La cantate BWV 208, dite justement Cantate de la Chasse, s'ouvre sur une singulière profession de foi sous la plume de Salomon Franck : "Was mir behagt ist nur die muntre Jagd" [ce qui me plaît, c'est seulement la chasse gaie]. L'aria 2 (soprano) va encore plus loin, chantant : "Jagen ist die Lust der Götter" [chasser est le plaisir des dieux], dieux infernaux ou dégénérés, sans doute. Et l'instrumentation fait ici place à deux cors de chasse. C'est également ce que l'on entend dans le dernier mouvement de la Symphonie en ré majeur de Carl Stamitz, que l'on a connu plus inspiré. Et l'on constate que l'enregistrement CD de Chandos 1995, qui la propose entre autres pièces, ne résistait pas à illustrer la pochette du disque d'une scène finale de chasse à courre, où des veneurs en veste rouge entourent un cerf tombé à terre au milieu des chiens. Scène stéréotypée, hélas, à quoi on assiste encore de nos jours, et où des aboiements tiennent lieu de musique.   

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