La Palatine avait accoutumé d'écouter la Suite en la mineur pour clavecin du deuxième livre de Nicolas Lebègue, alors fraîchement paru*. Cette musique sensible, pensive, empreinte d'une gravité sans nulle lourdeur, l'accompagnait sur des chemins sûrs, où l'on veillait d'En Haut sur elle, mais dont on ne revient pas vers les étourderies du siècle qu'elle avait, naguère encore, trop connues et dont la parole de Rancé l'avait comme purgée. Plus profond que Chambonnières, dont il fut peut-être l'élève, moins porté à la tendresse que Geminiani et à la mélancolie que Pasquini, qui fut son contemporain à la cour de Louis XIV, Lebègue semblait le jalon idéal entre dissolution et austérité. Mais la révélation vint en 1682, deux ans avant sa mort, des sonates pour deux violons de Giovanni Battista Vitali, dont le recueillement des graves, ceux de la troisième sonate surtout, emplissait son âme d'une double nostalgie, nostalgie passée pour Henri de Guise, nostalgie présente pour le Créateur. Rancé ne savait rien de ce jardin secret, où ne florissait plus aucune inconvenance et dont les souvenirs luxurieux avaient fui, pour ne laisser, comme dans le beau poème d'Henry Vaughan, qu'une retraite, à la fois lieu clos de la dernière demeure et retour à l'âme d'une enfance encore non compromise.
*On pardonnera à l'auteur cet anachronisme : si Anne de Gonzague, morte en 1684, a pu écouter Vitali, elle n'aurait pu entendre le deuxième livre de clavecin de Lebègue, paru trois ans après sa mort (1687).
*On pardonnera à l'auteur cet anachronisme : si Anne de Gonzague, morte en 1684, a pu écouter Vitali, elle n'aurait pu entendre le deuxième livre de clavecin de Lebègue, paru trois ans après sa mort (1687).
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