Mais quel contraste entre la sérénité de ce décor et les pensées furieuses qui traversaient l'esprit du meurtrier! Il ne pouvait demeurer un instant en repos, fronçait les sourcils, se frappait le front de son poing fermé en faisant les cent pas. Il vit enfin son oncle survenir. Rabattant son chapeau sur son visage, de façon à n'être point reconnu, il projeta le vieil homme sur le sol et s'apprêtait à l'occire.
Qui êtes-vous, dit son oncle; et qu'entendez-vous faire? Je n'ai pas peur de la mort : aucun homme juste n'a peur de mourir. Mais levez les yeux! La lune, qui brille d'un doux éclat sur le ciel sombre, ne vous demande-t-elle pas comment vous osez violer la splendeur de son règne? Non, si vous voulez commettre un meurtre, allez plutôt dans les sombres recoins d'une ville mal famée, que ne hantent que des misérables de votre espèce, et où il n'est pas possible d'entendre le clapotis du ruisseau ni de voir danser l'ombre des feuilles.
Tandis que l'oncle parlait ainsi, une révolution se produisit dans l'esprit du neveu. Jusqu'alors, il n'avait pas levé les yeux ni observé le décor. Il sentit le pouvoir de la Nature présente à lui dans toute sa beauté. L'arme mortelle lui tomba des mains. Il courut en hâte vers le port voisin et s'embarqua pour des pays lointains. L'oncle n'eut jamais la douleur d'apprendre que son neveu avait cherché à le tuer; et le gaillard demeura à l'étranger de longues années, à l'issue desquelles il revint, je l'espère, un autre homme.
© Jean de Palacio
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