(William Godwin, 1805)
Il était une fois un méchant jeune homme qui n'avait plus ni père ni mère. Ceux-ci avaient eu des malheurs, avaient perdu tous leurs biens, pour mourir à la fin de déception et de chagrin. Ces calamités avaient moins atteint le jeune homme, car il avait un oncle fort riche qui l'avait accueilli chez lui et l'avait traité comme son enfant. L'oncle lui-même n'avait pas d'enfant.
Il est toutefois difficile de compenser la mort des parents. L'oncle avait pour son neveu une grande affection, mais ne se préoccupait pas de lui aussi souvent et n'était pas de si bon conseil que ne l'auraient pu ses parents. Peut-être le jeune homme avait-il une mauvaise nature. Il s'acoquina avec des forbans ; joua aux cartes et aux dés de fortes sommes ; se montra dépensier ; et lorsque le généreux oncle se lassa de lui donner de l'argent, ce mauvais garçon déroba ce que le bonhomme lui refusait. Il savait que, par le testament de l'oncle, toute la propriété lui reviendrait à sa mort ; et il réfléchit qu'il serait fort aise d'avoir tout à sa disposition, au lieu de réclamer chaque fois quelque chose comme il avait accoutumé de faire. L'ingrat qu'il était se lassa d'attendre ; il décida de tuer son bienfaiteur.
Un soir que son oncle dînait avec un fermier du voisinage, ce mauvais neveu résolut de le guetter à son retour et de faire en sorte qu'il ne rentre jamais vivant dans sa maison. Il savait que le vieil homme reviendrait à minuit précis ; et, de crainte de voir son dessein échouer, il décida de se tenir aux aguets un quart d'heure auparavant. Il se trouva que c'était un beau clair de lune. Les chiens avaient aboyé et les hiboux ululé peu avant ; mais maintenant, tout était silencieux. On n'entendait rien que le clapotis d'un petit ruisseau qui courait à travers les roseaux en marge du chemin. Un peu à l'écart se trouvait une rangée de grands arbres. La nuit semblait briller comme en plein jour ; arbres et buissons étaient noirs ; et l'ombre des feuilles à peine frôlées par le vent jouait incessamment dans l'herbe. Tout exprimait la tranquillité. On eût dit que nulle passion malsaine ou mauvaise nature ni perversité n'eussent pu faire irruption dans ce décor. Si j'avais été là, j'aurais, par simple bonheur ou paix de l'âme, oublié le monde entier et me serais cru au paradis.
(à suivre)
(to be followed)
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