samedi 8 octobre 2022

VICTOR HUGO AU PURGATOIRE

 Mort en 1885, objet de funérailles nationales avant d'être panthéonisé, Victor Hugo ne fait pourtant pas l'unanimité de la postérité littéraire. Il eut du moins une plaisante continuation et comme une manière de réincarnation en Catulle Mendès, si l'on en croit le dessin de Demare pour Les Hommes d'Aujourd'hui (4ème volume, n° 203), où on le voit au paradis, déclarant : "celui-ci est mon fils bien-aimé en qui je me suis complu". Surtout, il demeure pour beaucoup l' "homme de l'éternelle antithèse" (le mot est de Huÿsmans, lequel disait plus crûment : "Victor Hugo a fait son temps. A d'autres! où cela mènera-t-il de le suivre?" 1879), illustrée par exemple par le célèbre portrait de Josiane dans son roman L'Homme qui rit : "la duchesse Josiane avait cette particularité, moins rare du reste qu'on ne croit, qu'un de ses yeux était bleu et l'autre noir. [...] Le jour et la nuit étaient mêlés dans son regard". Dix ans avant Huÿsmans, Louis Veuillot écrivait déjà, dans un sonnet significativement intitulé "Olympio" (1869) :

       On dit, et pour ma part j'accorde sans débat,

       Que sa chère antithèse à contre-temps bourdonne,

       Qu'en ses meilleurs endroits la cheville foisonne. 

Ernest Hello y revient en 1880 : "Qu'est-ce qu'un poète qui réside tout entier dans l'antithèse? C'est un caprice qui s'étale en tout sens" (Les Plateaux de la Balance, p. 91). Mais il y a plus sévère encore, à en croire ces deux critiques alors réputés. "Boileau et Victor Hugo ayant été vaincus non pas l'un par l'autre, mais l'un malgré l'autre et chacun d'eux par lui-même, le combat a fini faute de combattants : ils sont tous morts noyés dans le déluge malsain de leurs propres paroles, comme deux mouches dans un verre d'eau", écrivait déjà Hello en 1872 (L'Homme, p. 325). Et Charles Morice rive le clou en 1889 : "Victor Hugo usurpe un rang qui n'est pas. Son originalité est faite de l'imitation de tout le monde. En tout il se crut le premier? Il était le second en presque tout. [...] Victor Hugo a opprimé son temps. Il ne faut pas qu'il opprime l'avenir. Il faut qu'on cesse de croire qu'il ait tout réalisé" (La Littérature de tout à l'heure, p. 138-139) ; et d'ajouter : "V. Hugo lieu commun de toutes les innovations, sans y rien ajouter de son propre" (Ibid., p. 267). 

Verdict sans appel ? Chacun reste juge. 




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