J'apprends avec surprise que le coureur cycliste Bernard Hinault relève désormais, non plus des annales sportives, mais de... la littérature comparée! Cette noble science, à laquelle des maîtres éminents, Baldensperger, Carré, Paul Hazard, ont donné jadis ses lettres patentes, se verrait-elle aujourd'hui reléguée dans la caravane du Tour de France? Et consacrée, en principe, à l'étude des concomitances littéraires et artistiques entre différentes aires linguistiques à une époque donnée, étudiant Goethe en France, l'Angleterre et Voltaire ou l'Italie des Romantiques anglais, ne serait-elle plus maintenant qu'un attribut de la Grande Boucle? L'Université, dont j'ai célébré les obsèques dans un récent Obituaire, ne sait décidément plus à quel saint se vouer. Foin des saint Augustin et des saint Jérôme! La Petite Reine a fait son entrée dans les Sorbonnes!
Certes, la chose n'est pas totalement nouvelle. Je me souviens de deux prestigieux coureurs italiens que l'enthousiasme d'outre-alpes qualifiait jadis sans broncher de "Dante del ciclismo" et de "Raffaello del pedale"! Mais aujourd'hui, on théorise. Il y a une "dramaturgie" du sprint et de l'escalade contre la montre. Il paraît que le sportif doit "prendre possession de sa légende". Il y avait autrefois la légende du Graal et la Légende des Siècles, ou celle encore de saint Julien l'Hospitalier. Il y a aujourd'hui la légende de Bernard Hinault. Loin de moi la pensée de dévaloriser le sport d'aucune manière ou de médire d'un sportif estimable. Mais ne peut-on plus mettre the right man in the right place? Entre une victoire d'étape et la Divine Comédie, entre un maillot jaune et la Fornarina, que peut-il y avoir de commun? Pourquoi brouiller les pistes en les affublant de grands mots? Pourquoi toujours mêler la chèvre et le chou?
Merci d'avoir publié cet article. J'ai appris l'intrusion de Bernard Hinault en littérature comparée il y a quelques jours et je suis restée... sans voix! Sans doute est-ce vendeur et à la mode de "mêler la chèvre et le chou", mais je me demande bien où ce savant mélange va conduire l'université...
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