vendredi 3 juin 2016

LA BICYCLETTE A L'UNIVERSITE ?

J'apprends avec surprise que le coureur cycliste Bernard Hinault relève désormais, non plus des annales sportives, mais de... la littérature comparée! Cette noble science, à laquelle des maîtres éminents, Baldensperger, Carré, Paul Hazard, ont donné jadis ses lettres patentes, se verrait-elle aujourd'hui reléguée dans la caravane du Tour de France? Et consacrée, en principe, à l'étude des concomitances littéraires et artistiques entre différentes aires linguistiques à une époque donnée, étudiant Goethe en France, l'Angleterre et Voltaire ou l'Italie des Romantiques anglais, ne serait-elle plus maintenant qu'un attribut de la Grande Boucle? L'Université, dont j'ai célébré les obsèques dans un récent Obituaire, ne sait décidément plus à quel saint se vouer. Foin des saint Augustin et des saint Jérôme! La Petite Reine a fait son entrée dans les Sorbonnes!
Certes, la chose n'est pas totalement nouvelle. Je me souviens de deux prestigieux coureurs italiens que l'enthousiasme d'outre-alpes qualifiait jadis sans broncher de "Dante del ciclismo" et de "Raffaello del pedale"! Mais aujourd'hui, on théorise. Il y a une "dramaturgie" du sprint et de l'escalade contre la montre. Il paraît que le sportif doit "prendre possession de sa légende". Il y avait autrefois la légende du Graal et la Légende des Siècles, ou celle encore de saint Julien l'Hospitalier. Il y a aujourd'hui la légende de Bernard Hinault. Loin de moi la pensée de dévaloriser le sport d'aucune manière ou de médire d'un sportif estimable. Mais ne peut-on plus mettre the right man in the right place? Entre une victoire d'étape et la Divine Comédie, entre un maillot jaune et la Fornarina, que peut-il y avoir de commun? Pourquoi brouiller les pistes en les affublant de grands mots? Pourquoi toujours mêler la chèvre et le chou? 

1 commentaire:

  1. Merci d'avoir publié cet article. J'ai appris l'intrusion de Bernard Hinault en littérature comparée il y a quelques jours et je suis restée... sans voix! Sans doute est-ce vendeur et à la mode de "mêler la chèvre et le chou", mais je me demande bien où ce savant mélange va conduire l'université...

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