Je voudrais remettre ce mot en usage. Littré le dit "terme didactique, peu usité", dans le sens de "Action de résumer". C'est que le résumé devient à l'ordre du jour. Il n'est plus l'outil pédagogique commode qui, à la fin d'une leçon, aidait l'élève à la mieux retenir. Désormais, il remplace la lecture, s'oppose à l'intégralité, encourage la paresse. Des firmes se créent, dont la raison d'être est de ré-su-mer! Pour tous ceux qui n'ont plus le temps, le goût, la volonté ou le plaisir de lire; qui veulent avoir une teinture et non une connaissance; qui préfèrent (horresco referens!) le plat cuisiné tout préparé sous cellophane à la bonne chère longuement apprêtée, il y a aujourd'hui de bonnes adresses : envoyez-nous le livre, on vous le résumera. Les quatre cents pages abrégées en quinze : qui dit mieux? Ainsi pourrez-vous feindre d'être un homme cultivé à bon compte, dans les dîners bourgeois à prétentions intellectuelles. C'est l'oraison funèbre de la lecture. Fini, le temps de grâce où l'on emportait son livre dans un coin retiré, comme un ami, pour partager du temps avec lui, pour avoir du chagrin quand on le terminait, pour dissiper son chagrin lorsque l'on en avait. C'est Montesquieu qui le dit, dans ses pensées diverses : "L'étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts de la vie, n'ayant jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé" (Œuvres Complètes, Paris, Hachette, 1856, tome II, p. 451-452).
La vitesse emporte tout. Je me souviens d'un concours d'agrégation ayant à son programme une pièce historique de Shakespeare, qu'un candidat, renonçant à la lire, allait voir au cinéma dans une adaptation médiocre. Cela allait plus vite. C'était la mort du texte, remplacé par l'image commerciale. Aujourd'hui, on résume. Qu'importe la beauté du style, la lenteur nécessaire, le goût d'une page parfaite? On a fait semblant de lire. On n'a pas lu.
Je me souviens moi aussi d'un concours d'agrégation où plusieurs candidats avaient renoncé à lire La Vie de Marianne alors au programme : pourquoi perdre du temps à se plonger dans ce gros livre alors que l'horrible Atlande, sorte de "plat cuisiné tout préparé sous cellophane", le résumait, le découpait, l'analysait, le dénaturait si bien?!
RépondreSupprimerPour ma part, je retourne me plonger dans Le Journal de Loti : quatre tomes de près de 1000 pages chacun et un manuscrit original de plus de 20 kilos. Pour rien au monde je n'en voudrais un résumé, même si un seul tome est extrêmement... lourd à transporter!! Merci d'avoir cité cette belle phrase de Montesquieu.
Merci pour ce témoignage sur l'agrégation. Je vois que les choses n'ont guère changé! On veut du simple et du prémâché. La Vie de Marianne est pourtant un bien beau texte. Et l'épaisseur a plus de prix que la légèreté, lorsque celle-ci n'est que solution de facilité.
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